Représentation de Viyé Diba lors de Dak'Art 2002 :
" exposition spectacle Ngor - Ouakam - Yoff " :

Représentation d'un art de communication - Un article de Sylvie Le Gall (1/3 )

Sommaire de l'article :

Propos ( 1/3 )
Mise en espace ( 1/3 )
Silhouettes à terre ( 1/3 )
Art de communication ( 2/3 )
Transversalité ( 2/3 )
Communication sociale ( 2/3 )
Nouvelle représentation artistique ( 3/3)

 

L'artiste Viyé Diba a souvent ces mots à la bouche : c'est extraordinaire, c'est merveilleux, incroyable … Et justement mes premiers mots pour tenter de décrire l'exposition spectacle Ngor - Ouakam - Yoff sont ceux-ci : extraordinaire, merveilleux, incroyable, étonnant, émouvant …

En ce mois de mai 2002, à Dakar, Viyé Diba nous communiqua son art ainsi …

Propos :

Viyé Diba investit un terrain en plein air de 1500 m3, nu encore à peine une semaine avant l'ouverture, le met en scène, l'occupe avec ces personnages - passagers de Kar Rapid …
Et le temps d'une performance, il insuffle littéralement vie à l'œuvre en donnant à ces sculptures-personnages de chiffons cousus de sa main un contenu humain.

A lire le synopsis de l'œuvre d'art, l'artiste nous instruit sur son propos premier : la mise en parallèle de l'univers du Kar Rapid et d'internet … La confrontation des deux univers nous amène à découvrir des analogies : un espace de communication, un langage propre …
Il invite le public à réfléchir sur la créativité des populations qui s'approprient le Kar, produit importé pour en faire un objet tactile, vivant, original, pur produit de création : le Kar Rapid décoré et réparé à l'aide de matières insolites.

L'artiste va plus loin que cette simple confrontation … Il pousse la représentation plastique hors de ces dernières limites en restant à distance des représentations parfois stériles, distantes et froides d'un art contemporain trop souvent élitiste.

Mise en espace :

Penchons nous sur le terrain, avant le spectacle …Terrain rectangulaire …
Attachons nous aux éléments structurants de l'œuvre.

A droite de l'espace, un Kar Rapid construit de planches de bois… Il est occupé : des personnages de tissus aux armatures de bois, personnages décuplés à l'infini - ou presque - par le jeu des miroirs. Nous sommes au complet où presque - autant qu'on puisse l'être dans ces Kars où une personne de plus peut toujours voyager .
Il est plus vrai que nature : passagers, femmes aux coiffures savamment élaborées et aux ornements colorés, chauffeur, dessins aux couleurs vives naissant le soir du premier jour de performance sur la carrosserie, lanternes noires allumées à la nuit tombée - lanternes qui guideront les autres passagers … C'est un univers plein de vie où la touche de l 'artiste est reconnaissable : personnage à la silhouette et à l'attitude suggérées, usage de tissus ayant subi le passage du temps…

Aux " cimaises " du terrain, des tapis en plastique familiers des intérieurs sénégalais aux couleurs vives.

Au fond, l'artiste inclut un dispositif, une installation sous un chapiteau dans l'œuvre elle même : assemblage saisissant et composite d'œuvres, de photographies, d'objets … Il créée là un microcosme reflétant la rue Dakaroise, l'animation des villes africaines. Viyé Diba s'approprie la rue, la vie …

Sur la gauche de l'espace, une autre tente héberge un dispositif vidéo diffusant des scènes de vie Dakaroise et de Kar Rapid …

Et encore à gauche, en entrant, un Kar Rapid réalisé de planches de bois à la carrosserie déstructurée : tréteaux de théâtre pour la troupe Sénégalaise 7 Kouss qui jouera le soir de la performance des scènes de vie des Kar Rapids.

Silhouettes à terre :

L'œuvre est parsemée au sol, sur la terre battue, de ces sculptures-personnages de chiffons inertes cousus de la propre main de l'artiste ou de toile de sac.
D'autres silhouettes - cette fois ci de pierre sont à terre : personnages de pierre peinte en noir ou rouge ou de pierre claire.
Toutes ces formes humaines rappellent aux initiés de l'œuvre de Viyé Diba les personnages peints de ses œuvres sur toile.
La présence des œuvres à terre est dans la continuité de l'art " kangourou " de Viyé Diba dont les poches de tissus figurant en bas des toiles sont conçus par l'artiste comme autant de charges qui ramènent vers l'énergie de la terre … Pour l'artiste, la terre est la substance nourricière de la culture africaine à l'image de la sculpture où le caractère des pieds est comme exagéré ou de la danse dans laquelle le contact avec la terre est marqué.

Et puis il y a des châssis, sortes de cadres en bois nu surplombant les masses de ces corps installés au sol. A regarder de près l'orientation des personnages, nous voyons qu'ils sont sortis de leurs cadres, de leurs toiles, du support. Le contenu de ces cadres est à terre et le support de toile traditionnel a laissé place à la terre.

Le soir de la performance les personnages de chiffons prendront vie : l'artiste vêt des êtres humains de ces personnages de tissus.
L'humain deviendrait - il support, contenu de l'œuvre ?

Non. C'est ici qu'il faut laisser de côté la conception historique occidentale d'un support autonome du contenu.
Viyé Diba nous livre l'un des fruits de ses recherches. En Afrique, le support est matière. Il a un caractère participatif, il est intégré à l'œuvre.

 

   

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